étrangè®e

Entre 2010 et 2014, direction de la collection Littérature étrangè®e pour les éditions è®e :

• Vanessa Place, Exposé des faits, 2010 (traduit par Nathalie Peronny).
• Stewart Home, Rites sanglants de la bourgeoisie, 2011 (traduit par Nathalie Peronny)..
• Maria Fusco, Copulation mécanique, 2011 (traduit par Maxime Berrée & Émilie Notéris).
• Maxi Kim, Une pause, mille coups, 2012 (traduit par Morgane Saysana & Émilie Notéris).

Exposé des faits est un texte dont le mode de visionnage s’apparente à 10e chambre, instants d’audience de Raymond Depardon ; soit un docutexte en prise avec le réel au sein duquel les cas sont simplement présentés sans ajout de commentaire. La langue de la transcription judiciaire se veut neutre et objective mais ne peut échapper à la subjectivité de ses acteurs. À l’heure de l’omniprésence des séries policières, des émissions de reconstitution et de faits divers, Vanessa Place s’empare des matériaux issus de son quotidien d’avocate et annule les effets de suspense et autres accessoirisations émotionnelles des faits. C’est au lecteur de prendre en charge la spectacularisation de la trame fictionnelle.

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Rites sanglants de la bourgeoisie est une narration toxique et virale, à la construction éclatée. Le cadre principal (l’organisation d une exposition au MoMA de Londres sur la littérature abstraite) est le moyen pour Stewart Home de questionner la place des femmes dans le milieu de l’art. L auteur s’infiltre dans la narration par mails et par spams porno/féministes, lieux d’un échange entre le narrateur et The Suicide Kid, un charmant transsexuel fétichiste du pied. Rites sanglants de la bourgeoisie est une fiction drôle et provocatrice sur le milieu de l’art contemporain et la place de la femme au sein de celui-ci. Portée par le ton ravageur de Stewart Home, la narration syncopée est l’occasion pour l’auteur de jouer sur différents niveaux de discours et de mettre en place des situations cocasses toujours en prise avec le réel, illustrant ainsi sa vision d’un monde contemporain possédant tous les attraits d’une farce amère.

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Avec un goût prononcé pour les décalages aussi bien syntaxiques, langagiers que narratifs et l’irruption de l’absurde dans notre quotidien, Maria Fusco signe Copulation mécanique un premier ouvrage singulier de vingt nouvelles paru sous le titre The Mechanical Copula (Sternberg Press, 2010). La langue oscille entre langage courant et richesse d un vocabulaire précis et exubérant, accordant autant d attention à la description d’un repas gargantuesque qu’à sa régurgitation. L’auteure dénude habilement les fils de contact tressés entre culture et marchandisation et révèle avec espièglerie les failles de nos scénarios de vie ne demandant qu’à céder sous la pression du réel. On croisera notamment Donald Sutherland en Casanova mécanique, deux hommes mangeant un clown, un individu obsédé par l’investigation des poubelles, un braqueur de banque naïf armé d un simple revolver de plastique. Si les situations initiales de ces nouvelles peuvent au premier abord nous sembler familières, très vite Maria Fusco entraîne le lecteur dans un univers fantastique et dérangeant.

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Ryu Asakawa, collectionneur d’art, récupère une mystérieuse gravure pornographique de l’ère Edo représentant une jeune femme, Tomi, fille d’un légendaire samouraï. L’auteur du portrait, Yoshi, serait l’ange gardien de Miju, l’amour de jeunesse de Ryu. Ce portrait lui permet alors d’opérer un retour dans leur passé, quand ils étaient encore étudiants en art en Californie. En s’appuyant sur des œuvres littéraires japonaises célèbres, en mêlant théorie et fiction et en se jouant de ses personnages polymorphes, Maxi Kim signe avec Une pause, mille coups ! un roman dont l’ADN se recombine au fil des pages. Le lecteur sera tout autant saisi par l’évolution du récit que par les inventions stylistiques de l’auteur, tour à tour japonisantes, baroques et ultra contemporaines.

Presse :
Éric Loret « Droit comme un lit », Libération, 30 septembre 2010 (Vanessa Place)