Macronique


Éditions Cambourakis

collection Sorcière
112 pages
ISBN : 978-2-36624-515-8

Un texte court, incisif et grinçant, écrit entre octobre 2019 et mars 2020, qui s’attache à établir un relevé des violences policières et sexuelles à l’ère Macron, par le prisme de leur traitement médiatique et des discours politiques qui nient ces mêmes violences.

Une chronique de la séparation entre les corps politiques et la politique exercée sur les corps.

« Les violences policières sont toujours connectées à la violence des foules, en revanche les décès et les blessures occasionnées par les forces de l’ordre sont toujours déconnectées de l’intervention des forces de l’ordre, mais connectées à la violence des foules qui entraîne la violence des forces de l’ordre. Le problème c’est la violence des foules. »

(Illustration de couverture par Cécile Bicler)

Sous sa forme initiale, moins développée, « Macronique » a fait l’objet d’une lecture-performance, « Foules sentimentales », créée avec la réalisatrice Callisto Mc Nulty au Centre Pompidou en janvier 2020.

 

Presse & articles :

« Parler depuis soi pour taper fort : ce qui n’implique pas forcément de parler depuis sa propre subjectivité, mais impose de parler depuis là où on se trouve, depuis sa place réelle. Rien n’empêche alors de ventriloquer l’ennemi. C’est ce que fait l’écrivaine et essayiste Émilie Notéris dans un petit livre singulier, Macronique, dont tout le projet tient dans le sous- titre, Les choses qui n’existent pas existent quand même : une succession de courts paragraphes, parfois au format du tweet, s’emploient à démonter la novlangue macronienne, cette langue qui consiste à dire exactement le contraire de ce qui arrive effectivement, comme dans 1984 d’Orwell : « Il n’y a pas de violences policières, les violences policières sont légales, on peut donc pas parler de violences. »

Pas de doute : les discours tuent, la langue qu’on parle est directement branchée sur les combats qu’on mène. »
Lise Wajeman, Une rentrée littéraire engagée, Médiapart, 21 août 2020

Lire ici : article_902688

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« Une plongée sagace et terrifiante dans le langage dominant du déni ou de la justification de la violence policière. Salutaire.

Émilie Notéris, dont on avait pu déjà apprécier la puissance du travail dans, par exemple, la revue TINA, s’attaque, avec ce « Macronique » publié en septembre 2020 chez Cambourakis, à un autre pan de la confiscation et du détournement du langage commun, en se plongeant dans le vocabulaire et la syntaxe macroniennes (et aussi de celles de quelques-uns des prédécesseurs de « Jupiter ») du déni gouvernemental en matière de violences policières.
Les violences policières ne pouvant pas être qualifiées de violences policières, elles peuvent simultanément se produire mais ne pas exister.
Le plan d’existence légal des violences policières diffère du plan d’existence social des violences policières. […]
Les choses qui n’existent pas existent quand même : ce magnifique sous-titre de « Macronique »
synthétise avec brio le mur des dénis répétitifs que le pouvoir oppose sans ciller aux évidences enregistrées et répertoriées. »
Charybe 27, Le blog, 1er octobre 2020

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« De l’autre côté, la seconde dynamique concerne le genre très particulier de dénégation aujourd’hui pratiqué vis-à-vis des violences policières. Dans un essai saisissant, Macronique – Les choses qui n’existent pas existent quand même (éd. Cambourakis, 2020), Emilie Notéris restitue à la perfection cette langue : elle ne procède pas par grandes justifications, elle ne dresse pas une “image inversée du monde” comme on le disait autrefois de l’idéologie, elle émet de courts énoncés qui nient abruptement l’évidence et multiplient les paralogismes : “Les violences policières n’existant pas, il est interdit de les filmer.” C’est un peu comme dans le sketch classique des Monty Python : John Cleese rapporte à l’animalerie la cage contenant un perroquet raide mort, et le vendeur lui explique que l’oiseau fait la sieste, avec un entêtement imparable à situer quelque part entre l’aplomb et la psychose. »
Mathieu Potte-Bonneville, ​« Le déjà-vu n’empêche pas toujours de voir », Les Inrockuptibles, 3 novembre 2021

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« Ça sonne comme une période géologique : le Macronique, juste après le Jurassique. Paléontologue avertie, Émilie Notéris scrute avec acuité ses strates et c’est la violence qui en surgit, dénominateur commun, fondement, ferment, et courant qui les irrigue.
« Les violences policières ne pouvant pas être qualifiées de violences policières, elles peuvent simultanément se produire mais ne pas exister » : Macronique parle donc en premier lieu des violences policières qui, par différentes stratégies d’évitement et de manipulation du langage, peuvent ne pas exister, et plus généralement de la violence d’une classe dominante envers les minorités. À la violence physique s’ajoutent d’autres violences, plus insidieuses, mais systémiques : violence des dispositifs institutionnels et surtout négation de la violence. Alors que se multiplient les témoignages, les vidéos, la bête se cabre et brandit son arsenal de contre-mesures répressives puisque de toute façon elle ne peut avoir tort.
« La violence est redoublée par la non-reconnaissance de la violence. Moins elle existe pour certain·e·s, plus elle existe pour d’autres » : Macronique utilise une forme d’écriture inclusive et ausculte en creux cette langue française qui porte dans sa chair la marque d’un système patriarcal. L’écriture d’Émilie Notéris est un scalpel d’une redoutable précision, elle n’est que sens, à l’exact opposé des éléments de langage pondus par les conseillers en communication, coquilles vides mystificatrices et formatées sur lesquelles elle s’appuie pour construire sa réflexion.
Macronique est un livre important, une météorite, qui – espérons-le – raconte les soubresauts des derniers dinosaures agonisants. »
Anne Vivier, Dissonances, 40, 2021

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« Sous-titré « Les choses qui n’existent pas existent quand même », le dispositif joue sur l’apparente absurdité des déclarations d’Emmanuel Macron sur les violences policières (« Ne parlez pas de répression ou de violences policières, ces mots sont inacceptables dans un État de droit »), compte tenu de la pléthore d’images, de témoignages et de faits attestant l’intensité de cette violence, dont la réalité semble moins déranger le gouvernement que son caractère dicible. Cette mosaïque de faits est articulée dans des énoncés qui prennent la forme de sentences (« La violence est redoublée par la non-reconnaissance de la violence »), de raisonnements fallacieux (« Les violences policières n’existant pas, il est interdit de les
filmer ») ou de pointes ironiques (« Il n’y a pas de violence autre que celle des femmes,
des minorités, des racisé·e·s, des Gilets jaunes, des Gilets noirs, des réfugié·e·s »). En
amont du texte, Notéris fait figurer une citation de Jean-François Lyotard qui justifie
par la bande sa démarche formelle :

Il faut beaucoup chercher pour trouver les nouvelles règles de formation et
d’enchaînement de phrases capables d’exprimer le différend que trahit le sentiment
si l’on ne veut pas que ce différend soit aussitôt étouffé en un litige, et que l’alerte
donnée par le sentiment ait été inutile
(Jean-François Lyotard, Le Différend, Minuit, 1983)

L’épigraphe souligne à sa façon, comme le faisait Lyotard avec sa distinction entre
« litige » et « différend », qu’il s’agit de placer la littérature non pas du côté du langage
établi, dans lequel les conflits sont immédiatement perceptibles et résorbables, mais du
côté d’une recherche, d’une invention verbale qui aménage dans un langage ou dans
une forme qui n’existe pas encore les réelles conditions de prise en compte d’un
problème. En prenant à contre-pied l’idée que la discussion et l’intercompréhension
requièrent une transitivité et une univocité du langage, Lyotard, et avec lui Judith
Butler mais aussi Émilie Notéris, donnent à penser que le travail politique du langage
(et a fortiori du langage littéraire) n’est pas qu’affaire de transmission de messages, mais
qu’il s’appuie aussi sur des énoncés non transitifs, métaphoriques, sujets à
l’interprétation et aux désaccords. Pour qu’émergent certaines formes de vie dans
l’imaginaire social, rien n’impose donc que celles-ci soient représentées dans un
langage clair et bien articulé – de sorte qu’on est fondé à croire que des dispositifs
littéraires plus expérimentaux puissent aussi donner à percevoir d’autres langages et
d’autres rapports au monde sensible, sans recourir à des trames linéaires ni à des
personnages assignés à des identités précises. Plus encore, on pourrait considérer que
se réaliserait là une politisation de la littérature qui serait moins proche du modèle
d’un réformisme social-démocrate que d’une démocratie radicale où le conflit,
l’équivocité, l’expérience sensible et le désordre sont moins des obstacles à dépasser
que des moteurs d’émancipation. »
Justine Huppe, « L’invisibilité sociale est-elle soluble dans la littérature ? Gilets jaunes et délégations littéraires en déroute », Elfe XX-XXI, 10, 2021.